CONFERENCE, MIND THE PRODUCT

Mind The Product 2020 - Recap Partie 2

La semaine dernière j’ai assisté à MindTheProduct, une des confs les plus connues sur le Product Management et j’ai envie de vous partager ce que j’en ai retenu ;)

La deuxième journée fut aussi riche que la première et je vous en parle…tout de suite.

Keynote - Cennydd Bowles - All These Worlds Are Yours

Si vous avez aimé le fameux documentaire Netflix “Derrière nos écrans de fumée” alors vous aimerez le sujet de cette keynote: Cennydd nous a parlé d’éthique et des dérives de nos conceptions.

Il avance que c’est en sur-quantifiant les choses que l’on tombe dans la non-éthique. Pour être plus précis, il explique que ce qui a de l’importance n’est pas forcément mesurable ou quantifiable. Et réfléchir, ou prendre des décisions, seulement à travers ce prisme amène vers la non-éthique.

Si l’on prend le diagramme de Venn (très connu du Product Management), où le PM se situe à l’intersection de l’UX, de la Tech et du Business, alors on parlerait de PM qui dérive dans le cercle Business, et qui sort de l’intersection avec les cercles UX et Tech.

Cennydd va plus loin et essaye de nous ouvrir les yeux sur le fait que l’impact éthique de nos produits est très dur à mesurer et que nous avons souvent un angle mort: les non-utilisateurs de nos services.

Et oui ! Nous évoluons tous dans des organisations user-centric où l’on cherche à avoir un impact sur nos utilisateurs, mais on oublie qu’on a, en même temps, un impact sur les non-utilisateurs.

Prenez AirBnb: Si vous mettez en location votre logement sur AirBnb, alors la vie de vos voisins va changer. Ils ne créeront plus de lien avec les occupants de votre logement, car ils changent constamment, les occupants n’auront pas à cœur les intérêts du voisinage comme vous pourriez les avoir. Ils feront moins attention à respecter les règles du voisinage car moins concernés par les conséquences de leurs actes, etc. L’angle mort concerne donc les non-utilisateurs, mais aussi les biens communs, les non-humains et , bien sûr, la planète.

Cennydd finit en nous donnant la consigne suivante: Notre loyauté se doit d’être au monde et non aux entreprises. Nous sommes des êtres humains et pas seulement des employés.

Amy Zima - Demystifying Product Strategy

Amy est Product Manager chez Spotify et elle nous a parlé de Product Strategy. Pour cela, elle a pris l’exemple d’un nouvel usage de Spotify dont vous avez tous entendu parlé: les Podcasts.

Pour commencer, une définition de ce qu’est une Stratégie selon elle: “Une Stratégie c’est les choix que vous faites pour arriver à votre vision.”

En l’occurrence, la vision de Spotify est: The world’s leading audio platform

Le Podcast prenant une ampleur de plus en plus conséquente ces dernières années, ils devaient donc trouver comment ajouter ce nouveau type de contenu à leur offre.

Ils ont utilisé les questions suivantes, qu’elle présente comme des outils:

  • Quels problèmes sont-ils en train de résoudre ? Data et Insights
  • Qu’est-ce qui doit être vrai pour atteindre leur vision ?
  • Pour qui construisent-ils cette solution ?
  • Comment se différencient-ils ? Pourquoi eux ?
  • Comment sauront-ils qu’ils ont atteint leur but ?
  • Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ?

Pour l’intégration des Podcasts dans leur offre, ils ont identifié 3 choix possibles:

  • A. Faire une nouvelle app séparée pour proposer ces contenus
  • B. Proposer des podcasts à l’intérieur d’un nouvel onglet
  • C. Intégrer les podcasts dans l’expérience actuelle et mixer les 2

Ensuite pour chaque choix possible, ils ont identifié les pour et les contre, en rapport avec les questions posées plus haut. Comme vous l’avez peut-être observé, ils ont au final choisi l’option C.

Amy a ensuite répondu à des questions, notamment sur le framework OKR. Elle a rappelé que c’est un framework pour fixer des objectifs et non pas un framework pour créer une stratégie. Un objectif n’est pas la même chose qu’une stratégie.

Keynote - Marty Cagan - Product Leadership is Hard

Dernière conférence ! Marty Cagan, l’auteur d’Inspired et du blog SVPG ❤️ (https://svpg.com/), nous raconte à quel point le Product Leadership peut être difficile. Attention, ça dénonce et c’est très riche.

Malheureusement Marty utilise beaucoup de mots qu’il est difficile de traduire mais je vais faire mon possible pour délivrer une traduction en conservant un maximum le sens d’origine. Je garde donc le mot d’origine entre parenthèses pour vous aider là où je ne suis pas totalement satisfait, et parfois le mot anglais directement si je ne m’y suis pas risqué.

Product team

Tout d’abord, la base. Marty nous rappelle ce qu’est une Product Team: “Une Product team sert les clients, tout en satisfaisant les besoins du business de l’entreprise. Elle résout des problèmes clients ou des problèmes business, elle est “empowered” à découvrir (discover) et délivrer (deliver) une solution à ces problèmes. Elle est tenue responsable de ces résultats.”

Selon lui, c’est très clair: Les Features Teams ne sont là que pour satisfaire les besoins du business. Je vous invite à lire son article sur ce sujet: https://svpg.com/product-vs-feature-teams/ pour aller plus loin (mais après ce récap, parce que c’est costaud).

Leadership

Dans les organisations empouvoirisées (oui, je me permets totalement d’inventer un mot pour fluidifier la lecture, je prends de l’avance sur les québécois et l’Académie Française sur les nouveaux mots moches), il avance que nous n’avons pas besoin de moins de leadership mais de meilleur leadership. Dans les organisations qu’il rencontre, les leaders pensent que leur rôle est de laisser les personnes faire (“to back off”) mais que cela est naïf.

Il cite Andy Grove: “Qu’est-ce qui empêche les gens de faire du bon travail ? Il n’y a que 2 choses: La 1ère c’est qu’ils ne savent pas comment faire, la 2ème c’est qu’ils savent comment faire mais qu’ils ne sont pas motivés”.

Ainsi, le rôle de manager se résume en 2 choses principales: le coaching et le staffing. 50% (ou plus) du temps du manager devrait être destiné à du coaching. Le coaching est vraiment au cœur du rôle d’un leader car “tous les problèmes sont des problèmes humains” - Christian Idiodi. Et être un bon manager requiert avant tout d’être un bon coach.

Concernant les tâches autour du staffing, il liste: le recrutement, les entretiens, l’embauche, l’onboarding, les promotions et l’évolution de carrière.

Enfin, pour finir sur le leadership, Marty nous exhorte de diriger par le contexte, et non pas par le contrôle ou les process. Les GAFAs ont apparemment très peur des process car ils savent que cela peut faire beaucoup plus de dégâts que l’inverse.

Vision

La base, à nouveau. Une vision doit inspirer, animer et transformer un objectif (purpose) en action. Selon Marty, les canvas sont nuls car personne n’a jamais été inspiré en regardant un canvas.

Si on résume ce qu’est une vision et ce qu’elle permet :

  • Elle est orientée client
  • Elle peut servir de North Star
  • Elle inspire et donne du sens à ce que l’on fait
  • Elle reflète les valeurs de l’entreprise
  • Elle est le meilleur outil pour recruter
  • Elle nous indique comment construire notre architecture
  • Elle nous indique comment structurer nos équipes, ce qu’il appelle Team Topology.

Team Topology

Lorsqu’on a une équipe de 10 ingénieurs, on n’a pas cette problématique de structuration, cependant dès qu’on a 20, 200, 2000 ingénieurs, il est indispensable de découper le travail. La manière dont on va découper ce travail aura un impact énorme sur ce que l’on arrivera à accomplir.

Il y a 3 choses à maximiser lorsqu’on découpe en équipes:

  • L’ownership
  • L’autonomie
  • L’alignement avec les clients et avec le business

Définir la structure des équipes est un travail commun entre le Head of product et le Head of technology, il n’y a pas une bonne manière de le faire, mais il y en a clairement des mauvaises.

Pour savoir si vous avez un problème de Team Topologie, un bon indicateur est d’écouter si les personnes se plaignent du temps nécessaire pour réaliser une tâche simple.

Product Strategy

Une fois que la vision est claire et que la structure des équipes est optimisée, alors on peut réfléchir à ce que l’on va leur donner à faire, c’est la Product Strategy.

Il est bon de rappeler qu’il y a de petites entreprises qui font beaucoup mieux que de grosses entreprises, simplement parce qu’elles ont une meilleure Product Strategy. Les grosses entreprises qui ont des features teams, elles, n’ont pas de stratégie tout court et se contentent de satisfaire un maximum de stakeholders…ce n’est pas une stratégie.

Une Product Strategy est la manière de tirer parti au mieux des personnes, de votre argent et de votre temps. Marty nous met en garde contre les matrices ou les cases toutes faites à remplir pour créer une stratégie, selon lui ça ne fonctionne jamais et c’est bien plus compliqué que ça.

Pour lui, une stratégie requiert 4 éléments:

  • Focus: Choisir 2 ou 3 choses qui feront la différence
  • Insight: Aller creuser la data qu’on a, les apprentissages qualitatifs récupérés auprès des clients, la technologie à notre disposition, là où en est le marché
  • Action: Transformer cet insight en action, c’est là qu’entre en œuvre les Team Objectives (qu’on décrit juste en dessous).
  • Management: Ne pas faire de micro-management, diriger avec le contexte et pas avec le contrôle. Et être dans le servant-leadership.

De nombreux CEO pensent qu’ils doivent réduire à 20-30 le nombre de choses sur lesquelles ils vont travailler mais c’est très, très, loin de la vérité. Steve Jobs l’a très bien dit “Les gens pensent qu’être focus signifie dire oui à ce sur quoi vous voulez travailler. Mais ce n’est pas du tout ça. C’est dire non à la centaine d’autres bonnes idées”.

La stratégie est ce qui différencie les excellents leaders Produit et des autres. Les excellents leaders passent leur temps à creuser la data et à parler aux équipes en contact avec les clients.

D’ailleurs, de son expérience, c’est seulement en s’immergeant dans cette connaissance que les fameux “ha-ha moments” se produisent.

Team Objectives

D’une bonne stratégie ressort les problèmes à résoudre. Assigner ces problèmes, ce travail, aux équipes est le principe des Team Objectives.

On fournit à l’équipe les éléments suivants:

  • L’empouvoirement (oui j’assume): C’est des problèmes à résoudre et non des roadmaps qu’on donne à l’équipe. Ici encore, le principe de diriger avec le contexte et non avec le contrôle prend tout son sens !
  • L’ambition derrière les objectifs: Est-ce qu’on y va en la jouant sage, ou est-ce qu’on prend des risques pour tout rafler ?
  • Engagements: Est-ce qu’il y a des choses que l’on doit absolument faire ?
  • Collaboration: Les équipes qui cherchent à atteindre des objectifs communs doivent en avoir conscience
  • Responsabilité et Management: Les leaders doivent aider les équipes à atteindre leurs objectifs

En résumé

Enfin, Marty résume les différentes étapes pour aller de la Vision à la Réalité: → La Product Vision décrit le futur qu’on cherche à créer → La Team Topology définit comment structurer nos équipes → La Product Strategy nous aide à décider quels problèmes on doit résoudre → Les Team Objectives assignent ces problèmes aux Product Teams → Le Product Discovery nous aide à trouver les solutions → Et enfin, le Product Delivery nous aide à construire cette solution et à l’amener dans les mains des utilisateurs

Un dernier conseil de Marty pour les PM: Les stakeholders et les CEO ne respectent pas les PM car ils pensent qu’ils ne comprennent pas le business: Faites vos devoirs, prouvez leur le contraire et les entreprises se battront pour vous avoir.

Voilà, c’est fini.

J’espère que cela vous donnera matière à réfléchir, vous donnera envie de pousser plus loin votre organisation Produit et vous aidera à progresser.

Je vous laisse avec une dernière partie pour ceux qui souhaitent creuser certains sujets…

Recommandations

Les conférenciers ont recommandé différents livres au cours de la conférence. Deux reviennent comme LES références du Product Management, j’en ai déjà très (très) souvent entendu parlé et peut être que vous aussi: Inspired de Marty Cagan, et Escaping the build trap de Melissa Perri. Si vous cherchiez des idées de cadeaux de noël pour vous, c’est maintenant trouvé. Vous pouvez les commander sur Amazon avec le code promo JAYBE30 et ainsi me faire gagner un max de moula.

Dans les autres recommandations, on trouve:

  • The Undoing Project, qui est l’histoire derrière System 1 Système 2 (ou Thinking Fast and Slow)
  • Creative Selection, qui parle du Product Management à Apple
  • The Jobs To Be Done Playbook de Rosenfeld Media pour tout ce qui touche au JTBD
  • Ethical Explorer Toolkit (https://ethicalexplorer.org/) pour naviguer l’impact future des technologies d’aujourd’hui
  • Good strategy Bad Strategy de Richard Rumelt pour aller plus loin sur la théorie, conseillé par Amy Zima et Marty Cagan !
  • Strategize de Roman Pichler pour pratiquer la stratégie avec des outils
  • Empowerement, le nouveau livre de Marty Cagan qui sort la semaine prochaine

Fin de la 2ème partie