LEÇONS, RECUL

Product Owner 102

Au cours de ces derniers mois, j’ai fait des erreurs (normal), on peut donc dire que j’ai trouvé des opportunités pour progresser.
L’idée ici, n’est pas d’être dur avec moi-même mais simplement de résumer quelques leçons que j’ai apprises et, en les mettant par écrit, les formaliser et les ancrer, pour me permettre de continuer à grandir.

#1 Creuser la complexité

La 1ère leçon que je tire de cette expérience est que je n’ai pas correctement mesuré la complexité du domaine dans lequel je tombais et, surtout, j’ai sous-estimé la complexité du produit sur lequel je travaillais.

Quand je suis arrivé sur ce projet, j’ai géré des urgences, le quotidien des développements et je suis monté en compétence sur la complexité métier/produit. Mais découvrir la complexité métier au fur et à mesure n’est pas suffisant. Une fois les premiers mois passés, j’avais cette (fausse) impression de maitriser suffisamment mon domaine car les sujets avançaient et je pouvais me reposer sur la connaissance de l’équipe, mais jamais je n’ai dépassé ce plafond de connaissance où j’aurai vraiment pu dire “faites-moi confiance”. Je pense que j’y ai dédié peu de temps car je ne le voyais pas comme une “compétence” à par entière. Et pourtant une des bases de notre métier, de maitriser notre domaine, c’est ce qui va nous permettre de prendre de meilleures décisions, d’avoir une perspective complète, d’anticiper les problèmes, ça va aussi nous permettre d’aller plus vite car l’information sera déjà dans notre tête.

Plutôt que de découvrir les choses au fur et à mesure, je sais désormais que j’aurais dû creuser ce produit et ce domaine, encore et encore, jusqu’à en connaître les moindre détails. Cela m’aurait fait gagner beaucoup de temps par la suite, m’aurait donné l’assurance de prendre les bonnes décisions et le recul pour voir plus loin. J’aurai pu faire ça en rencontrant les bonnes personnes et en leur demandant de l’aide, tout simplement.

Et vous, est-ce que vous avez passé assez de temps à vous plonger dans votre domaine ? Est-ce que vous êtes en mode Information À la Demande ? Est-ce que vous n’êtes qu’un relai pour le métier, ou est-ce que vous êtes capable de porter votre produit et d’avoir une vision pour celui-ci ?

#2 Ne pas se reposer sur les acquis des autres

De la même manière, quand je suis arrivé sur mon projet, des choses étaient en cours de développement, d’autres déjà prêtes à être développées. Quelle erreur j’ai fait de ne pas plus remettre en question tout cela, pourquoi et comment on le faisait et si nous étions sur la bonne voie.

C’est de cette manière que nous avons un sujet qui a été repoussé 1fois, puis 2, puis 3, et finalement, nous l’avons abandonné. Nous n’avons pas réussi à le finir car les choix de design qui avaient été faits faisaient exploser la complexité des développements mais que nous étions trop aveuglé par la nécessité d’aller jusqu’au bout pour les réévaluer.

Ce n’est pas facile de remettre en question des choses quand on ne maitrise pas un sujet, et c’est bien pour ça quand dans notre rôle la facilitation est essentielle. J’en tire la leçon de ne pas choisir la facilité, et à la place de choisir la rigueur pour soi et pour son équipe, pour s’assurer que tout le monde va dans la bonne direction.

#3 PO-wer Up

Mon quotidien était bien rempli, je vivais des frustrations liées à :

  • l’organisation de mon projet,
  • à la collaboration les équipes UI/UX
  • à l’autonomie des développeurs de mon équipe,
  • et à la complexité du projet.

Beaucoup de choses.

Je croyais être le seul à vouloir que les choses soient différentes, mais la réalité est que je n’avais même pas cherché à savoir si d’autres voulaient la même chose que moi.

D’autres Product Owner au sein de mon projet vivaient exactement la même chose mais nous ne parlions pas vraiment. Nous ne prenions pas le temps de nous parler, nous étions trop occupés pour cela. C’est assez drôle quand j’y repense.

Finalement, au bout de quelques temps, nous avons déjeuné tous ensemble et nous nous sommes rendu comptes que nous avions les mêmes problèmes. Peu après nous avons monté un point PO hebdomadaire qui a contribué à changer complètement notre manière de travailler ensemble. Dans ces points, nous nous donnons du feedback, du soutien, nous nous partageons de bonnes pratiques, mais surtout, nous pouvons faire bouger les choses dans le bon sens car ensemble nous avons plus de poids.

J’ai l’impression qu’il est facile de s’isoler quand on est PO, hormis la cohésion avec l’équipe, une cohésion avec d’autres PO m’apparaît primordiale dans une organisation pour saisir sa manière de fonctionner (le partage permet de prendre du recul) et ainsi influencer son fonctionnement.

#4 Vous voulez pas un café d’abord ?

En commençant sur ce projet, j’ai vraiment été sollicité de par un très grand nombre d’interlocuteurs, tous avec leur légitimité, et je ne me suis pas rendu compte que des personnes que je voyais comme défendant seulement leurs propres intérêts, que je croyais fermés, étaient en fait, pour la plupart, des personnes prêtes à m’aider, à collaborer, à temporiser et à écouter les contraintes qui m’étaient propres (La beauté des échanges par mail et des présentations à froid).

C’est parfois en rencontrant les personnes physiquement que cette vue a changé, d’autres fois c’est dans leur discours, où on s’attend à une réprimande et où en fait on a une proposition d’aide qui nous fais changer d’avis sur quelqu’un.

J’avais beau déjà le savoir, je vois aujourd’hui à quel point il est important de discuter avec les gens, de nos valeurs communes, de nos manières de fonctionner et de nos priorités pour pouvoir collaborer avec eux efficacement.

#5 Pas gentil mais juste

L’équipe dans laquelle je me trouvais était peu impliquée dans les sujets sur lesquels on travaillait, nous avions peu d’ownership et beaucoup de difficultés sur notre périmètre et je ne pense pas avoir tout à fait réussi à trouver la bonne posture avec l’équipe.

J’étais convaincu (et je le suis toujours) que pour les impliquer d’avantage, il fallait que je leur laisse plus d’autonomie et plus de confiance. La conséquence maladroite de cette volonté a été de devenir parfois trop gentil avec eux, en leur faisant confiance mais sans les mettre face aux conséquences de leurs erreurs, je ne les responsabilisais pas.

Je pense avoir été trop gentil car au fond je ne les considérais pas suffisamment mature pour être responsable, je voulais les protéger (par ego et par manque d’assurance ?).

Je pense notamment aux actions prises qui n’ont pas été faites et aux engagements qui n’ont pas été tenus et pour lesquels un haussement d’épaule équivaut à une justification.

J’ai compris maintenant que la rigueur et le respect des engagements pris les uns avec les autres est une notion essentielle pour faire grandir une équipe, sans ça aucune conséquence, aucun enjeu et aucune progression.

#6 Traiter le problème en surface pour s’attaquer à celui en profondeur

Dans mes expériences précédentes, je me suis toujours très bien entendu avec les personnes en charge de l’UI/UX, j’ai une forte appétence et des compétences pour ces domaines et je pensais que c’était là une de mes forces pour collaborer avec ces rôles.

Sur ce projet, cette collaboration a été un énorme défi et une grande source de frustration, tant pour eux que pour moi. Nous avons été dans une confrontation constante sur les responsabilités de chacun et dans l’incapacité de débattre sur la plupart de nos désaccords.

J’ai tenté de faire des ateliers pour nous aligner, mais ces ateliers ont été un échec car c’était encore flou pour moi ce sur quoi nous avions besoin de nous aligner. Néanmoins il y a une chose que nous aurions pu faire pour améliorer nos relations et que j’ai fait très récemment: en discuter avec humilité, sans ego, sans émotionnel, sans jugement, pour comprendre pourquoi, humainement nous n’arrivions pas à travailler ensemble. La réponse évidente est que nous avions des filtres et des croyances différentes et maintenant que cela est explicite, nous arrivons mutuellement à dissocier l’autre personne de son comportement.

Tous nos problèmes ne sont pas résolus, loin de la, mais au moins maintenant nous ne sommes plus bloquées sur nos positions et nous pouvons essayer des choses pour trouver des solutions à nos problèmes.

La situation n’était pas simple, le système et le management ont joué un rôle non négligeable dans l’apparition de ces conflits et dans leur maintien. Il était difficile d’identifier par quel bout essayer de résoudre ces problèmes. Aujourd’hui j’en retire qu’utiliser l’approche humaine permet au moins, non pas forcément de trouver une solution, de mieux vivre le problème.

D’ailleurs avec du recul, je me rends compte que nos managers se concentraient sur ces problèmes humains pour éviter de travailler sur le problème au sein du système. Résoudre plus tôt le côté humain aurait permis de pointer du doigt le vrai problème et d’avoir les managers et l’équipe UX d’impliqués pour trouver une solution.

#7 Plus de focus pour plus d’impact

J’aime chercher comment m’améliorer ou améliorer le système, mais j’ai aussi le défaut d’avoir du mal à lâcher prise. J’ai l’impression sur ce projet d’avoir essayé de changer trop de choses et d’avoir dilué mes efforts:

  • La collaboration avec les UX,
  • la liberté à l’équipe pour travailler sur des projets plus macros,
  • la liberté pour se concentrer sur la qualité,
  • la recherche de sens,
  • prendre le temps d’expérimenter,
  • l’implication de l’équipe,

Tant de problèmes nouveaux pour moi que j’abordais pour la 1ère fois.

Des sujets où j’ai avancé, mais pas tous. Les sujets de collaboration et d’implication auraient eu besoin de plus d’énergie, plus de questionnement, et je pense que ces choses, j’aurais pu les avoir si j’avais été plus focus. À l’avenir, j’aimerais mieux analyser les défis sur lesquels je me penche pour mieux les aborder et réussir à les faire avancer.

Je suis curieux de savoir comment d’autres Product Owner font avancer ce type de sujet au sein de leurs équipes. Avez-vous une méthode pour les aborder ? Faites-vous des choix conscients de laisser des choses de côté pour plus tard ? Réussissez-vous à impliquer d’avantage l’équipe dans ces problématiques pour qu’elle vous aide ? Dites-moi en commentaire ! (Je rigole, il n’y a pas de commentaire, envoyez moi un tweet ou mail plutôt)

Une parole impeccable

Une dernière leçon, une leçon plus personnelle.

Il y a eu un moment, un moment où j’ai perdu pied, où je faisais une fixation sur les problèmes humains que je rencontrais avec certaines personnes et où j’ai parfois pu prendre une position de Persécuté (cf: Triangle de Karpman), c’est-à-dire que je cherchais à ce qu’on valide mes problèmes en tapant sur les personnes responsables de ceux-ci. J’ai eu la chance d’avoir de belles personnes autour de moi qui ont su ne pas alimenter cet état d’esprit mais c’est en lisant les Accords Toltèque que j’ai finalement compris comment lâcher prise et comment la négativité que je me faisais subir pouvait avoir un impact autour de moi. Je pense qu’au final c’est cette leçon qui aura le plus d’impact sur moi et qui me permettra d’être plus heureux et par la même occasion, plus efficace dans mon travail.

Somme de soi

Je me reconnais dans chacune de ces erreurs, j’y reconnais mes faiblesses, j’y reconnais mon manque d’expérience, mon égo, mon obstination, mes peurs. Je crois que c’est d’abord en les reconnaissant que j’arriverais à les renverser. Je pense avoir fait plutôt du bon boulot sur ce projet, ce n’était pas parfait mais j’ai fait de mon mieux, j’en tire de nouvelles choses et c’est suffisant pour moi.

Voilà, encore une fois, n’hésitez pas à vous fendre d’un tweet/mail si vous avez aimé cet article ou si vous avez des feedbacks sur le fond ou la forme.

Tcho!