PRIORISATION, ORGANISATION, VEILLE

Le (re)commencement

J’ai pris la casquette de Product Owner officiellement il y a un peu plus de 9 mois maintenant. J’ai beaucoup appris, énormément même. J’avais déjà, dans le passé, eu ce rôle au final, mais cette fois c’était différent. Cette fois c’était dans une grande entreprise, avec une grande équipe, et dans un contexte agile. Cette fois, c’était avec des personnes dans mon entourage qui, comme moi, recherchaient l’excellence.

J’aime apprendre et ces 9 derniers mois, on peut dire que j’ai appris comme jaja (= comme jamais, pour les plus de 30 ans). Ça a été un travail quotidien de remise en question, d’écoute, de recherche, et de mise en pratique.

J’ai envie de mettre par écrit ce que j’ai appris sur moi et sur mon métier, mais surtout, de le faire régulièrement, à la manière d’une coche sur un pan de mur pour mesurer l’enfant qui grandit, centimètre par centimètre.

Trop de choses à faire, que faire ?

La 1ère chose à laquelle j’ai dû faire face a été la sollicitation gigantesque de mon temps. Questions et demandes de partenaires, questions de l’équipe, tests, stories à écrire, cadrages des projets à venir, collaboration avec les autres équipes, réunions, synchronisations, bugs à investiguer, entretien du backlog et la compréhension de la complexité métier énorme (et sous-estimée) du domaine où j’étais.

Les problèmes qui en découlent sont évident, mais on en soulignera deux: la charge mentale et le manque de recul que cela entraîne.

Auparavant, c’était facile, je gardais toutes ces tâches en tête, les posait dans un fichier texte, me servait de ma boite mail (mode inbox zero), mais désormais ça ne suffisait plus, il me fallait de nouvelles méthodes (rien de révolutionnaire, ne vous emballez pas).

D’abord j’ai appris à prioriser :

  • Des colonnes À faire / En cours (1 tâche max) / Terminé / Abandonné dans un Trello
  • Une priorisation des tâches sur une matrice d’urgence/priorité avec des étiquettes. Tellement plus simple pour identifier rapidement sur quoi me lancer.

Pourquoi prioriser ? L’objectif principal pour moi était de m’aider à ralentir, à me concentrer, à me sortir les choses de la tête pour respirer. Mais après quelques semaines, un sentiment persistait de ne jamais avancer, toujours avoir une liste infinie de choses à dépiler. Ce qui était le cas, et qui est Okay: la première chose à comprendre à propos de la priorisation est qu’il est nécessaire de faire des choix sur ce qu’on fera et sur ce qu’on ne fera pas (aujourd’hui ou pour toujours). J’aurai pu choisir d’être plus féroce dans mon approche et de choisir de supprimer plus de tâches, mais c’est plus facile à dire qu’à faire, surtout quand on débute dans un nouveau contexte.

Puis, c’est au détour d’une conversation très enrichissante que je découvre le principe des profil Gagnant/Non-Gagnant/Perdant.

Résumé: Un profil Perdant va réfléchir, planifier mais ne jamais mettre en oeuvre. Un profil Non-Gagnant va réfléchir, planifier et mettre en oeuvre. Et le profil Gagnant va réfléchir, planifier, mettre en oeuvre puis savourer.

Une connexion se fait et je comprends que c’est peut-être ici mon problème, je ne savoure pas lorsque j’accomplis une tâche, je passe directement à la suivante, et le système de priorisation que j’ai mis en place accentue ce problème. Une fois la source du problème identifié, j’ai pu mettre en place une solution, j’ai rajouté une colonne Terminé Aujourd’hui entre En cours et Terminé. De cette manière, je visualise tous les jours ce que j’ai accomplis et je peux savourer le travail en me disant que j’ai fait une bonne journée. Je ne suis pas sûr que ça soit une solution parfaite à mon problème, mais c’est au moins un début.

L’autre point important de cette priorisation fut aussi d’accepter de ne pas tout faire.

Répondre à tous mes mails, aller à toutes les réunions, souvent ce n’est pas la meilleure utilisation de son temps et c’est même parfois une perte de temps. Si l’on veut être efficace, il est important d’être maître de son temps. Par conséquent il est courant que je ne réponde à des questions par mails que 2 semaines après ou voir pas du tout. Si c’est important les gens me relancent, et si c’est vraiment important, ils me contactent par Skype/Slack/Teams. Et vous savez quoi ? En 9 mois personne ne s’est plaint, les projets avancent sans problème, je respire et je me concentre sur ce qui a le plus de valeur pour mon produit. Bien sûr je suis toujours ravi d’aider les autres équipes mais on ne peut pas aider les autres si on ne s’aide pas d’abord soi-même.

Bonus: Au détour d’une autre conversation (j’ai beaucoup de conversation), j’en apprends plus sur GTD (Get Things Done) et sur la notion de Contexte autour d’une tâche et l’on me partage une idée très intéressante que je n’ai pas encore mis en place mais qui m’intrigue au plus au point -> la notion d’Energie comme contexte: Low Energy/High Energy.

On est tous face à nous-même régulièrement quand il s’agit de commencer une tâche qui nous demande plus d’énergie que nous n’en n’avons. J’ai les hypothèses suivantes sur la mise en place de tâches High et Low Energy. Peut-être qu’identifier ces tâches nous aideraient à mieux les prioriser par rapport aux ressources internes que l’on a en nous pour les réaliser, plutôt que seulement les prioriser par rapport aux contraintes extérieures que l’on utilise habituellement. Peut-être que le simple fait de marquer une tâche comme High Energy peut nous donner ce coup de pouce, ce petit extra de courage nécessaire pour s’y atteler, comme un challenge qui nous permet d’exploiter notre potentiel. Ou peut-être encore que cela permettra de construire de petits frameworks personnels pour attaquer ces tâches: “Je fais deux tâches Low Energy et après j’aurais l’énergie pour une High”.

À expérimenter.

Être maître de son a-temps-tion

Ensuite, j’ai appris comment être moins interrompu, une des clés de la productivité :

  • J’ai désactivé mes notifications (Slack et Email). Basique.
  • Je ne réponds jamais aux appels Skype sans que celui-ci ait été décidé au préalable. Mon temps est précieux et il n’appartient qu’à moi de décider comment le dépenser.

À côté de cela, j’avais l’habitude de répondre “Je n’ai pas le temps” pour parler des choses importantes que je n’arrivais pas à faire, et les gens me répondaient souvent: “Le temps ça se prend”. Une phrase toute faite vide de toute aide concrète selon moi, qui vise seulement à montrer qu’on est le seul responsable mais qui n’apporte rien. Puis un jour on m’a répondu “Le temps se trouve dans la contrainte” et là ça a fait tilt: il faut trouver comment se contraindre soi-même pour trouver ce fameux temps.

J’ai commencé à me planifier des moments seuls à l’écart de l’équipe pour avancer sur les sujets qui méritaient que je m’y consacre un certain temps sans être interrompu pour les faire avancer. Sans ça, ces moments se perdaient dans les limbes de “plus tard” (Later is where good intentions go to die comme dit Jason Fried).

Parmi ces moments, j’en ai identifié 3 types simples: court terme, moyen terme et long terme. J’ai compris que plus le sujet est du long terme, plus il est important et est indispensable. Si on l’ignore, tout s’écroule petit à petit et on perd pied.

Les moments liés à des tâches court terme, je les planifie les lundis pour le reste de ma semaine. Pour les moments liés à des tâches moyen et long terme, je les planifie de manière périodique pour créer un rythme et éviter de se me faire dépasser par les événements. Parmi ceux-là: l’entretien de mon backlog (toutes les 2 semaines) et un moment de recul, de réflexion sur le long terme, sur le produit et sur l’organisation (toutes les semaines).

Avec l’expérience, je me rends compte cependant que ces moments sont durs à tenir. Plus ils sont nombreux et plus ils sont difficiles à tenir, il est donc important pour moi de ne pas être trop ambitieux mais surtout, il est important de trouver les bons créneaux dans sa semaine, les vendredis après-midis sont parfaits pour cela dans mon cas, les fins de journées et les débuts d’après-midi sont plutôt bien aussi. Tout ce qui est en milieu d’après-midi est assez difficile à tenir car cela demande de changer de contexte et peut facilement être repoussé plus tard dans la journée. Le début et la fin de l’après-midi ont l’avantage de ne pas avoir ces deux attributs réunis.

Aussi, je suis plus rigoureux pour déléguer ce que je peux.

Que ça soit parce que ce n’est pas mon rôle de prendre une décision (même si je peux avoir un avis mais que je décide de garder pour moi), soit parce que je n’apporte pas de valeur dans cette tâche: rediriger vers la personne avec une information plutôt que faire le passe-plat pour aller la chercher, prendre le temps d’expliquer comment générer un jeu de données plutôt que le faire moi-même pour faire gagner du temps aux développeurs. Soit simplement en demandant de l’aide.

Demander de l’aide.

D’abord difficile car on a besoin de, non pas forcément de prouver aux autres, mais se prouver à soi-même qu’on peut le faire, que l’on est à la hauteur du job. En tant que Product Owner je fais partie d’une équipe, c’est ce que je leur répète sans arrêt, à mon équipe, que la collaboration est importante et qu’il faut qu’ils communiquent plus entre eux pour s’entraider. Mais moi, est-ce que je ne fais pas la même chose qu’eux ? Est-ce que je m’inclue vraiment dans cette équipe du coup ? Leurs rôles ne sont pas les mêmes que le mien et c’est une de mes responsabilités, notamment, de protéger les développeurs des interruptions extérieures. Mais parfois je n’ai pas le temps et d’autres peuvent le faire, alors pourquoi pas ?

Le concept qui me vient à l’esprit est celui de Staff Liquidity que j’ai découvert récemment dans le livre Commitment de Chris Matts. Le principe de ce concept est d’avoir une partie de l’équipe qui puisse bouger d’un rôle vers un autre, selon les besoins du système, et c’est bien là la clé: Faire ce qui a le plus de valeur pour le système.

Donc désormais, plutôt que de me surcharger de travail sans raison, j’essaye de demander de l’aide à mon équipe et je sens que l’on forme une meilleure équipe ensemble grâce à ça.

Retrouver des moments pour soi

Avec cette charge de travail compliquée à gérer, j’ai aussi perdu une chose qui était essentielle à mon bien-être et qui me permettait de puiser de l’énergie: la Veille. Fini le temps où j’avais 30 minutes dans ma journée pour découvrir, réfléchir et comprendre. Difficile de prioriser ça quand on a des tâches urgentes et importantes en attente, et compliqué de reporter ce moment le soir ou le matin, des moments de transition qui me servent à décrocher. Perdre cette veille, c’était perdre un moment qui me permettait de me ressourcer et de me donner de l’énergie.

Et puis je me suis rendu compte que j’avais déjà un moment pour me ressourcer dans ma journée: la pause déjeuner. Désormais, je me sers de ce moment pour faire ma veille 3x par semaine. Je ne suis pas interrompu, je recharge mon énergie pour le reste de la journée et je prends du recul. C’est mon moment.

Hormis Twitter, les talks sur Youtube et les articles de blogs, j’ai commencé à lire des livres autour de mon métier, dont je parlerai bientôt dans la section Lectures.

Les autres axes de mon apprentissage

Cet article-ci n’a pas vocation à vous transmettre, c’est plus un journal d’apprentissage à destination de mon moi du passé…et de mon moi du futur. Il me reste encore beaucoup de choses à partager sur ces derniers mois, sur comment je vois désormais mon rôle et sur les leçons que j’ai apprises, des petites et des grandes. Il faut encore que j’arrive à trouver mon rythme pour poser tout cela, puis on verra ce que ça donne.

N’hésitez pas à vous fendre d’un tweet/mail si vous avez aimé cet article ou si vous avez des feedbacks sur le fond ou la forme.

Hasta la vista, bye bye.